"4.- A propos des 'hybrides' Papilio machaon Papilio hospiton Inné.-
Lors de la réunion du 2 octobre 1911, divers avis ont été émis quant à la possibilité d'existence d'hybrides entre P machaon L. et P hospiton Gené.
Qu'est-ce qu'un hybride? C'est un animal ou plante provenant de deux sujets d'espèces différentes (Grand Larousse).
P hospiton et P. machaon sont-ils deux espèces différentes, La chose n'est peut-être pas aussi certaine qu'on pourrait le croire au premier abord.
Si on s'en tient à la faune de Corse et de Sardaigne, on peut séparer hospiton de machaon par quelques caractères faciles à observer. Tout d'abord, les chenilles des de l'espaces ont une coloration et des dessins nettement différents (la nourriture est également différente). D'autre part, chez l'adulte de hospiton la 'queue" des ailes postérieures est plus courte; l'
Les différences semblent donc bien tranchées. Mais l'étude des races de machaon d'autres régions nous amène à plus de circonspection. C'est ainsi que le raccourcissement des 'queues' s'observa chez diverses races de machaon (par exemple machaon aliaska Scuder du Kamtchatka et machaon sikkimensis race montanus Alph. du Tibet ); un
En fait donc, P. hospiton semble n'être qu’un 'condensé' réunissant ces caractères ou' on trouve plus ou moins dispersés chez les autres races de machaon. Y a-t-il donc finalement une ou deux espèces?
R. Verity (qui admet en principe l'existence d'hybrides) a émis à ce sujet des opinions nuancées .. et contradictoires. En 1905.1911 ;Rhop. Pal. Papilionidae & Pieridae, p. 294), parlant ,des nombreux individus intermédiaires, il affirme qu'ils 'prouvent que les croisements sont très fréquents et que hospiton et machaon sont des formes darwiniennes d'une seule espèce'. En 1929 (Ann. Soc. Ent, France, XCVIII, p. 338), il déclare que 'les croisements de hospiton avec machaon démontrent bien qu'il ne s'agit pas d'une espèce' distincte. toutefois, plus récemment, cet auteur déclare (1952, Variations géogr. & saisonn. Pap. Diurnes en France, Papilionidae, p. 208): 'La fréquence avec laquelle hospiton et machaon se croisent dans la nature et produisent la forme machaonides Vrty. démontre qu'ils sont tris étroitement alliés, mais il doit, d'autre part, s'agir d'hybrides considérablement stériles ou ces deux papillons ne se maintiendraient pas distincts dans la région en question; ce sont donc bien deux espèces, malgré le fait qu'hospiton s'aligne dans les variations du machaon et de certains alliés anéricains qui ont, eux aussi, des degrés de distinction mal définis; l'isolement doit avoir accru la différenciation...'.
La question de validité spécifique ne semble donc pas absolument et définitivement tranchée.
Que faut-il alors penser des individus, dits 'intermédiaires', signalés par divers auteurs? R. Verity (1905-1911, op. cit., P. 10, Pl. L figs. 30-3)) a nomné ab. machaonides un couple d'individus que, sur la foi des caractères extérieurs, il considère comme hybrides. Mais, en même temps, il rappelle que M. Standfuss, en maintenant des
Naturellement, ces diverses opinions reposent sur une idée préconçue, selon laquelle les individus intermédiaires résultent de croisements entre hospiton et machaon. Pareil croisement est-il possible? C.A. Clarke & P.M. Sheppard (1955, Entemologist, vol. 88, n° 1111, pp, 265-270) ont tenté de croiser artificiellement hospiton ♂ avec machaon ♀. D'un total de 8 accouplements, ils ont obtenu seulement 8 ♂et 1 ♀ intermédiaires. La dite ♀, accouplée avec un machaon de Malte, a donné des chenilles dont aucune n'a vécu assez longtemps pour se chrysalider.
Qu'il soit possible d'obtenir artificiellement des croisements de hospiton avec machaon - fut-ce avec un succès très limité qui confirme la remarque de Verity (1952, op. cit.) sur la considérable stérilité des individus intermédiaires - semble donc établi. Mais cela ne prouve nullement que ces croisements se produisent dans la nature là où les Jeux espèces sont suffisamment abondantes pour que la rencontre des sexes ne pose pas de problème. Les nombreux individus intermédiaires pris dans la nature sont-ils des hybrides? Rien n'est moins sur. Vicieux est le raisonnement qui y voit des hybrides parce qu’ils proviendraient de deux espèces elles-mêmes considérées comme distinctes parce que justement … elles peuvent s'hybrider.
Quand, sans idée préconçue, on examine les diverses figures d'individus présumés hybrides, on est bien obligé de constater que ces individus ressemblent bien plus à machaon qu'à hospiton, surtout - comme on l'a vu plus haut - si on les compare aux diverses races authentiques de machaon. Manifestement, le fait qu'ils aient été capturés en Corse ou en Sardaigne intervient, plus ou moins consciemment, dans l'idée qu'il s'agit d'hybrides. Notons à ce sujet qu'on trouve aussi en Sicile des machaon dont l'
On doit se demander si une autre explication n'est pas possible. Selon R. Verity (1929, op. cit.), l'ancêtre de machaon et de hospiton est venu d'Asie centrale. A en croire R. Verity (op. cit.), cet ancêtre aurait ressemblé à P. machaon sikkimensis Moore; mais il est plus vraisemblable qu'il ait été conforme au machaon banal actuel (cfr. C.A. Clarke & P.M. Sheppard, op. cit.). Quoi qu'il en soit, cette forme ancestrale s'est avancée vers l'ouest le long de trois voies principales de migration: les lignées septentrionale et centrale, qui ont fusionné en Europe continentale; la lignée méridionale qui, profitant de "ponts' provisoires, aurait traversé l'Asie Mineure, les Balkans, puis l'isthme gréco-tunisien (y compris la Sicile et Malte) pour finalement aboutir au début du Pliocène en Sardaigne et en Corse. Là, un isolement insulaire ultérieur aurait permis le perfectionnement de l'actuel hospiton; mais le P. machaon saharae Obth., à adulte banal mais à chenille rappelant celle de hospiton, serait une relique de cette migration.
Toutefois, la présence en Sardaigne et en Corse d'un machaon de type continental montre qu'un passage provisoire à partir du continent a été également réalisé. Et c'est cette ferme banale qui pourrait tire à l'origine des prétendus hybrides. En effet, les mêmes causes produisant normalement les dises effets, les populations insulaires de machaon - une fois coupées du continent - doivent tôt ou tard donner naissance à une race acquérant progressivement des caractères du type hospiton. Dans ce cas, il se pourrait que les présumés hybrides qu'on trouve assez fréquemment en Sardaigne et en Corse soient tout simplement les premières manifestations de ce phénomène. Ces premiers représentants d'une forme nouvelle auraient, au stade larvaire, une biologie encore mal fixée, ce qui expliquerait les chenilles intermédiaires qui vivent indifféremment (?) sur le fenouil et sur la férule (cfr. R. Strobino, 1970, op. cit.).
Insistant sur le caractère tout à fait hypothétique de cette explication, on ne peut qu'inviter ceux que le problème passionne plus particulièrement à aller effectuer de nouvelles observations en Corse et en Sardaigne d'ici quelques centainesde siècles.
G. Demoulin"
source. CERCLE DES LEPIDOPTERISTES BELGES poces-verbaux 1968-1971 reunion du 02-10-1971
le sujet risque d'etre un peu ardu pour certain mais au combien instructif de plus avec l'avancé des connaissances le débat n'est pas encore clos ;
je remercie JPV pour son excelent article et vous tous por vos réponses.
Sergio.