[Ammophila heydeni F] Déviance troglophile ?

[Caillou]

Bonjour,



Quasiment au même endroit que la dernière fois, à quelques mètres près, je pense avoir revu plusieurs Ammophila heydeni (entre 2 et 4). J'ai suivi celle-ci le plus longtemps car c'était la première d'entre elles et je ne m'attendais pas à d'autres observations.

Si je vous la présente c'est d'abord pour confirmer son identité même si je ne vois pas vraiment d'alternative, et aussi pour signaler son comportement qui m'a paru un peu étrange.



Pour l'espèce on a l'habitus nominal d'ammophile, y compris le pétiole et le post-pétiole, et les pattes partiellement rouges désigneraient forcément A. heydeni dans cette localité; sous la réserve que le taxon recouvre potentiellement un complexe d'espèces non résolu.



Et pour l'observation: elle a eu lieu du début à la fin le long d'un muret séparant le vignoble du chemin; il semblait principalement constitué d'un mortier dans lequel étaient noyés de gros moellons, et on trouvait régulièrement des anfractuosités qui semblaient être le résultat de l'effritement du mortier. Sur les photos la cavité paraît s'être formée sous une pierre qui lui servait de toit…



La bête a donc longtemps voleté le long de ce muret, faisant de multiples allers et retours comme à la recherche de quelque chose, mais quoi ? Au bout d'un moment elle s'est mise à explorer l'une des cavités; comme le soleil n'atteignait que le rebord je distinguais à peine ce qui se passait dans l'obscurité mais j'ai cru discerner qu'elle creusait un trou ! Elle a quitté l'endroit puis y est revenue plusieurs fois de suite, jusqu'à l'abandonner puis explorer une seconde anfractuosité avoisinante. C'est dans celle-ci que j'ai pu la photographier (grâce au flash !) et un peu filmée, je crois qu'on la voit bien creuser de la façon dont le font certains Sphecidae pour leur terrier, se cabrant et produisant par moments un bourdonnement aigu; en tout cas j'y ai reconnu la manière des Prionyx que je croise souvent dans la même région.



Ce qui m'a troublé c'est le choix d'un terrain plutôt grossier (pas de sable fin, plutôt les restes désagrégés du mortier), et surtout un endroit obscur et frais (elle est venue plusieurs fois se "recharger" au soleil à l'entrée avant de reprendre ses fouilles). On pourrait ajouter une épaisseur de substrat visiblement insuffisante mais on peut lui laisser le bénéfice du doute: il lui faut creuser pour vérifier.



Qu'en dites-vous ?





Pierre Bornand : Suisse : Fully : 1926 : 03/07/2016

Altitude : 507 m - Taille : 18 mm mesuré

Réf. : 166481





Pierre Bornand : Suisse : Fully : 1926 : 03/07/2016

Altitude : 507 m - Taille : 18 mm mesuré

Réf. : 166482



Merci beaucoup de votre aide et de vos commentaires.

[entonantes44]

Je ne connais pas du tout cette espèce, mais la cavité, bien qu'inhabituelle doit être un endroit assez propice en terme de protection des intempéries et de certains prédateurs? Le soleil donne-t-il à un moment dans la cavité?
Je ne sais pas dans quelle mesure on peut interpréter la présence de la Joubarbe au fond mais cela suppose un minimum d'ensoleillement (pas forcément direct) et un taux d'humidité relativement peu élevé.

[Caillou]

Merci pour tes réflexions qui me semblent raisonnables, pour autant j'avais cru comprendre que l'espèce était vraiment sabulicole et thermophile or ces deux conditions ne me paraissent pas remplies ici.
En plus, du terrain bien sec et sableux était à disposition juste de l'autre côté du muret, de très nombreux Bembecinus y batifolaient au même moment…
Et si la question de la protection contre les intempéries paraît très logique à priori, j'ai toujours vu les autres apocrites terrassiers creuser en l'absence d'un surplomb protecteur. En connaît-on certains qui recherchent cette sécurité ?

Voici la petite séquence vidéo, vitesse normale et ralentie. Si l'exposition est assez brute avec l'avant-plan du bord du trou (en bas) complètement "cramé" c'est parce que j'ai dû la forcer afin de discerner l'animal dans la pénombre (pas de flash ici); mais je trouve que l'appareil s'en est bien tiré dans ces conditions de contraste extrême où à l’œil nu je ne retrouvais souvent pas la bête.

[lauzette]

[Rapha1]

Quel est la face la plus chaude (ensoleillement) de ce mur ? Car l'espèce auquel tu penses semble être à peu près là dans sa limite Nord en Suisse ; Donc, la bestiole aurait intérêt à choisir un endroit le plus chaud (jour et nuit ? ), voir le plus sec ( dans un climat assez humide ? ) , pour ses futurs larves je suppose...

[Caillou]

C'est bien la face sud qui est concernée, en fait c'est la seule possible car il s'agit d'un muret de terrasse de vignoble qui fait un petit mètre de haut et de l'autre côté il y a le terrain qui affleure à son sommet.
Sans doute qu'en effet il est très chaud dû à sa nature et à son exposition, pour le côté sec je suis moins sûr: après une averse j'imaginerais que l'humidité devrait persister un peu au fond de l'anfractuosité du fait de son exposition quasi-nulle au soleil direct, et cet aspect d'un endroit ombragé probablement la majeure partie de la journée me trouble toujours...

Comme tu dis l'espèce (ou le groupe) serait à sa limite nord, et une confirmation ne serait pas superflue.

[Rapha1]

Male ou femelle, avec cette latitude et cette coloration du gastre, il n'y a que Ammophila heydeni avec les pattes I et II oranges
h[url]ttp://www.atlashymenoptera.net/page.asp?id=21[/url]

Pour l'humidité faut voir précisément l'écoulement de l'eau à cet endroit....En tout cas il me semble déjà que les vignes sont sur des sols drainant, non ?

Pour l'ensoleillement, ça doit dépendre de la hauteur du soleil qui varie en fonction de l'heure de la journée et de l'époque de l'année (plus bas au printemps)

[Patrick_B]

Pour la répartition : Certes la bestiole est relativement méridionale, mais elle “remonte” assez haut, et même globalement un peu plus que Prionyx kirbii; donc rien de surprenant chez toi, où tu as plusieurs fois observé ce dernier, et même à des périodes de l'année où l'activité a cessé dans d'autres régions.
Pour le comportement, aucune idée, je n'ai toujours observé A.heydeni que dans le sable : Dunes d'Orléat (63), dunes des gorges de l'Ardèche, littoral méditerranéen , mais sur les plages voit plutôt plus de laevicollis.

[Caillou]

Merci à tous les deux pour les réflexions et les informations, aussi pour la confirmation.
Je pense continuer de surveiller ce coin ces prochaines années pour essayer d'en savoir plus: apparemment l'espèce est bien présente, ça fait trois ans de suite que je la retrouve dans une même zone de quelques dizaines de mètres...