Effectivement, il s'agit donc de
Colias hyale (le Soufré), qui était la seule espèce du genre en France que je n'avais encore jamais vue avec certitude.
Le papillon permet d'exclure
C. croceus (y compris f.
helice) en raison des marges noires fines du dessus des ailes postérieures et du fond plutôt gris clair de ces mêmes ailes. Les chenilles sont différentes de
C. alfacariensis à partir du 3ème stade (voire même un peu avant ?).
Sur le terrain, quand j'ai vu ce papillon, j'ai d'abord pensé que ça pouvait être une f.
helice de
croceus car je n'ai jamais vu de
Colias "jaunes" dans le coin. En plus, j'avais vu une vraie f.
helice un peu plus tôt dans la journée pas très loin. Cependant, même en vol, j'ai repéré que cette femelle paraissait plus clair. Je ne l'ai pas vue pondre
in situ, mais elle volait dans une prairie avec du trèfle des prés. Tout ça m'a mis la puce à l'oreille, alors j'ai décidé de la capturer au filet. Après capture du papillon, pas de doute, ce n'est pas
croceus, je trouvais que
hyale serait effectivement bien possible du fait de la forme des ailes antérieures et de la petitesse de la tache discoïdale orangée des ailes postérieures.
J'ai décidé de garder cette femelle pour tenter de la faire pondre sur du trèfle dans une grande boîte. Cela a fonctionné, elle a pondu une dizaine d’œufs en deux jours (j'en avais compté 12 je crois). J'ai aussi récupéré
post-mortem deux œufs supplémentaires en disséquant son abdomen à tout hasard (l'un d'eux a dû survivre, car j'ai actuellement une chenille en retard d'au moins 3 jours sur les autres). Parmi les œufs pondus plus tôt, il y a quand même eu de la casse, possiblement à cause de la canicule.
Certains œufs n'ont jamais éclos (notamment un où on commençait à deviner la chenille à travers). Au moins une des chenilles néonates est morte aussi. Et je me demande également s'il n'y a pas pu y avoir du cannibalisme entre des chenilles provenant d’œufs pondus sur une même partie de la plante. Mais actuellement, il me reste quand même encore 5 chenilles à des stades différents (deux L4, deux L3 et une L2) qui se portent bien et qui se régalent des luzernes que je leur donne.
Pour ce qui est des plantes, j'ai essayé plusieurs espèces (trèfles, luzerne cultivée, lotier corniculé, coronille bigarrée). Les chenilles de
hyale peuvent théoriquement consommer toutes ces plantes alors que celles d'
alfacariensis n'apprécieraient que la coronille parmi celles-ci (n'ayant pas trouvé d'
Hippocrepis près de chez moi). J'ai pu constater qu'en présence de ces plantes ensemble, elles ont totalement délaissé le lotier et la coronille, et consomment surtout la luzerne. Ensuite, pour ce qui est de la croissance, cela s'avère plus rapide que prévu (surtout par rapport à
cet élevage décrit sur Lepiforum), j'imagine que c'est dû à la chaleur estivale. Le stade œuf a duré environ 4 jours. Le stade L1 a duré 2 à 3 jours, et les stades L2 et L3 ont chacun duré environ 3 jours. Le stade L4 devrait être plus long, je pense.
Pour l'élevage des chenilles de
Colias, je suis tombé sur
ce PDF très intéressant où l'auteur a adopté la même démarche d'élevage que moi pour confirmer la présence des différentes espèces de
Colias et voir à quoi ressemblent leurs chenilles. Cela m'a permis de savoir à quoi m'attendre. J'ai pu retrouver des points communs avec son élevage de
hyale, notamment par rapport à la coloration du début du stade L3 qui est assez sombre chez cette espèce (mais ça ne l'a pas fait avec toutes mes chenilles, celles ayant consommé des feuilles un peu jaunissantes étant plus claires ?).
Bon, voilà le "rapport" de mon élevage pour le moment. Ce pavé n'est pas trop indigeste, si ?
Maintenant, j'espère réussir à terminer l'élevage car j'aimerais bien avoir des vrais
hyale en bon état (mâles et femelle) pour avoir un comparatif avec les
Colias jaunes que je trouve dans ma région (et aussi pour alimenter la galerie jusqu'au stade
imago). C'est la première fois que je tente un élevage de
Colias de l’œuf à l'adulte, mais il y a un peu moins de deux ans, j'ai déjà élevé avec succès une chenille de
Colias croceus (trouvée au début du dernier stade) jusqu'à l'
imago. J'ai également trouvé une fois (la même année) une chenille de
C. alfacariensis, mais elle était parasitée par des Braconidae.
Pour finir ce message, je vous propose quelques nouvelles photos de chenille. D'abord, une chenille au milieu du stade L3 :
Axel Dehalleux : France : Chelles : 77500 : 29/07/2022
Altitude : 65 m - Taille : 6-7 mm environ
Réf. : 307428
Ensuite, une chenille ce matin juste avant et juste après sa mue de L3 à L4 (mue que j'ai loupée
) :
Axel Dehalleux : France : Chelles : 77500 : 30/07/2022
Altitude : 65 m - Taille : 7-8 mm environ, paraissant plus petite après mue
Réf. : 307429
Enfin, la même chenille un quart d'heure après, qui grignote son ancienne peau (ce qui a dû se faire en moins de deux minutes) :
Axel Dehalleux : France : Chelles : 77500 : 30/07/2022
Altitude : 65 m - Taille : 7 mm environ
Réf. : 307430